Maison culturelle du népal
-depuis 2002-
association promouvant l'amitié franco-népalaise
Bouddhisme japonais
Table des matières
Le bouddhisme tel qu’il fut transmis au Japon, par l’intermédiaire de la Corée, vers le milieu du VIe siècle après J.-C., avait été auparavant refaçonné par la Chine. Il s’agissait, bien entendu, pour l’essentiel, des doctrines du Grand Véhicule (Mahāyāna) qui remontaient jusqu’au bouddhisme indien, mais avec les évolutions qu’elles avaient subies au sein de la culture chinoise à partir de la fin du Ier siècle de l’ère chrétienne. Hormis de très rares exceptions, le Japon n’eut pas de contacts directs avec le bouddhisme des autres grandes aires culturelles de l’Extrême-Orient, que ce fût l’Inde, le Tibet ou l’Asie du Sud-Est. On peut même estimer que la religion de Śākyamuni ne fut importée au tout début que comme l’un des éléments constitutifs du vaste ensemble de la civilisation chinoise, ce qui ne serait pas sans rappeler la résurgence du christianisme au Japon à l’ère Meiji, lorsque la religion prédominante en Europe fut considérée comme l’une des composantes, voire le secret du succès, de la culture occidentale.
Il résulta de ce mode de transmission que, à l’instar de la Corée et du Vietnam, la langue de référence, et d’une certaine façon la langue sacrée, des bouddhistes japonais fut le chinois littéraire dans sa variante bouddhique, c’est-à-dire, à peu de chose près, cette grande langue de culture qui s’était aussi imposée dans les autres domaines de l’activité intellectuelle : l’histoire, les sciences, la philosophie et une grande partie de la littérature. À la différence de ce qui se passa au Tibet, on ne ressentit pas au Japon le besoin de traduire dans la langue nationale l’immense corpus de textes que représentait le canon des écritures et, si l’on fait abstraction de quelques rares exemples isolés de grands sūtra traduits dès le XIIIe siècle, ce n’est qu’après la modernisation que l’on verra apparaître les grandes collections de traductions scripturaires et que, plus récemment encore, ces traductions seront effectuées dans la langue japonaise moderne. Il ne faut certes pas oublier que le chinois littéraire n’était pas à proprement parler une langue étrangère, puisqu’il constituait la langue de culture par excellence, directement accessible aux lettrés, et que d’ailleurs il était leur moyen d’expression privilégié. Mais le fait est que le peuple illettré ou peu versé dans les lettres chinoises éprouvait une réelle difficulté pour accéder aux écritures religieuses. Aussi devait-il s’en remettre au clergé pour se faire expliquer la doctrine et le sens des rites, phénomène courant dans le monde bouddhique ainsi que dans d’autres religions ; mais, de plus, comme les laïcs en général, y compris ceux de l’aristocratie, il eut tendance à accueillir avec enthousiasme les divers mouvements qui prônèrent une pratique simplifiée, ramenée par exemple à la simple invocation du nom d’un buddha, ou un système de croyances facilement condensé en quelques préceptes. Il est vrai que c’est aussi la complexité décourageante des doctrines bouddhiques qui entraîna cette simplification, souvent très bien accueillie par les religieux eux-mêmes.
L’histoire du bouddhisme au Japon se complique, par ailleurs, du fait qu’existait, avant son introduction, une religion autochtone assez bien organisée qui, bien que pauvrement structurée du point de vue doctrinal, présentait néanmoins un panthéon et une mythologie bien constitués, encore que sans doute peu diffusés dans le peuple, et surtout un ensemble de croyances et de rites populaires profondément implantés que la nouvelle religion ne pouvait déraciner, ce que, d’ailleurs, elle ne chercha pas à faire. Il se produisit, au contraire, une forme de syncrétisme remarquablement adapté à la religiosité populaire, qui fit que les deux mouvements, le bouddhisme, d’une part, et ce qui fut assez tardivement appelé le shintō, de l’autre, loin de se nuire, se vivifièrent mutuellement, et cela jusqu’au XIXe siècle, lorsque l’idéologie prémoderne puis moderniste força les deux religions à se scinder. Cette scission, artificiellement imposée, n’est sans doute pas étrangère à une certaine stagnation du bouddhisme japonais, laquelle peut s’observer dès avant le début de l’occidentalisation et créa un espace propice à la constitution de mouvements religieux nouveaux. Ceux-ci, dont beaucoup étaient eux- mêmes d’inspiration syncrétiste, prirent souvent le relais des vieilles sectes bouddhiques dans la religion vécue quotidiennement.
En tant que religion constituée, le bouddhisme japonais présente aussi la caractéristique d’être divisé en un grand nombre de sectes (shūha, terme qu’il vaudrait mieux traduire par « école » pour l’époque ancienne), elles-mêmes subdivisées en branches (ryū) et sous-branches, jalouses de leur indépendance mutuelle, mais soucieuses d’être reconnues par le pouvoir central et se réclamant de la fidélité à un enseignement transmis de l’Inde, de la Chine, ou de maîtres japonais plus récents. Ce cloisonnement religieux a souvent amené à privilégier l’importance de la lignée de transmission par rapport aux divergences doctrinales, qui parfois n’existaient guère ou étaient bien minimes ; et il a contribué à répandre au sein de l’ensemble des sectes une atmosphère de tradition ésotérique qui ne se limite pas aux écoles tantriques à proprement parler, mais se retrouve en des domaines a priori extrabouddhiques, tels que les arts martiaux, le théâtre, la musique, la poésie ou la cérémonie du thé.
Il est enfin indéniable que le bouddhisme au Japon, comme dans les autres pays, fut aussi un instrument dont se servit le pouvoir étatique pour assurer son autorité et que la séparation actuelle entre le religieux et le politique, garantie par la Constitution, l’a d’une certaine façon affaibli ; mais il n’en demeure pas moins que la religion du Buddha a imprégné en profondeur la culture japonaise et qu’on la retrouve présente, explicitement ou implicitement, à tous les niveaux de la mentalité et de la sensibilité des Japonais, encore qu’il soit parfois difficile d’établir s’il s’agit de traits antébouddhiques affermis par la religion continentale ou d’éléments complètement importés puis assimilés, comme dans le cas de l’impermanence des choses (mujō) en tant que catégorie esthétique.
La religion du pouvoir
Les premiers pas
En dehors des documents archéologiques, la source principale pour notre connaissance de la première période du bouddhisme au Japon demeure le Nihon shoki ou « Annales du Japon », ouvrage historique achevé en 720 où l’on trouve nombre de renseignements concernant, entre autres, l’histoire religieuse jusqu’en 697. Son caractère officiel explique qu’y soient surtout rapportés les faits qui touchent la maison impériale, la grande aristocratie ou la diplomatie. Il est vrai que la diffusion de la nouvelle religion fut d’abord le fait des classes dirigeantes et qu’elle ne pouvait s’implanter solidement dans le pays qu’avec reconnaissance officielle, mais de nombreux indices montrent que le bouddhisme était déjà pratiqué, avant son introduction formelle, dans des familles d’immigrés chinois et coréens (que l’on nommait les kikajin) installées au Japon. Ces familles furent appelées à jouer un rôle non négligeable dans les premiers temps et l’on pourra même les retrouver plus tard dans la biographie de religieux illustres.
Ce qui intéresse l’historiographie japonaise, c’est la venue à l’existence du bouddhisme dans les milieux aristocratiques autochtones. Selon le Nihon shoki (livre XIX), la transmission du bouddhisme au Japon se fit donc au plus haut niveau diplomatique lorsque, la treizième année du règne de l’empereur japonais Kinmei, le souverain du royaume coréen de Paekche (Kudara en japonais), du nom de Songmyong, envoya à celui-ci une statue dorée de Sākyamuni, des accessoires liturgiques et quelques ouvrages religieux. Le tout était accompagné d’une déclaration proclamant l’excellence du Dharma bouddhique sur toutes les autres doctrines et présentant cet envoi comme la réalisation d’une prédiction du Buddha : « Ma Loi se propagera vers l’Orient. » La date donnée correspond à 552, mais il faudrait, selon certains, la corriger en 538 (une opinion récente donne 548). Or d’autres sources, dont le Fusō ryakki (fin du XIe s.), mentionnent l’arrivée au Japon en 522, sous le règne de Keitai, d’un immigrant chinois du nom de Shiba Tatto, qui construisit une chapelle particulière où il rendait un culte au Buddha, ce qui atteste bien l’existence d’une diffusion privée du Dharma antérieure à sa transmission officielle. Le Nihon shoki, d’ailleurs, situe expressément (« C’est de là que date le commencement de la Loi bouddhique ») en l’an 13 de l’empereur Bidatsu (584) le début du Dharma au Japon, c’est-à-dire au temps où Soga no Umako construisit un temple dans sa propriété. C’est en effet au clan des Soga que revient l’honneur d’avoir soutenu la nouvelle religion contre le clan des Mononobe, qui, avec celui des Nakatomi, avait choisi de défendre le vieux culte des divinités japonaises (kami), garantes du pouvoir impérial. Les péripéties de cette lutte, qui dura des environs de 550 jusqu’en 587, montrent que le bouddhisme était essentiellement tenu pour une religion utilitaire : on attendait des buddha les mêmes miracles, ou de plus grands encore, que ceux que dispensaient les kami. Les deux partis prenaient tour à tour l’avantage selon les bienfaits ou les calamités que recevaient ceux qui se ralliaient à l’un ou à l’autre. Cet aspect thaumaturgique fait aussi du bouddhisme un instrument de pouvoir et l’on voit Soga no Umako, lors du conflit final qui l’opposa à Mononobe no Moriya à propos de la succession de Bidatsu (585), faire vœu de bâtir des temples et de protéger les Trois Joyaux (triratna, le symbole du bouddhisme) au cas où il obtiendrait la victoire. Il l’obtint et, dès 588, commencèrent les travaux de construction du Hōkō-ji (encore appelé Asuka-dera et Gangō-ji), qui furent achevés en 596. C’est en ce monastère que s’établit une première communauté religieuse autour d’un noyau de moines coréens arrivés de Kudara (Paekche) en 588.
Le prince Shōtoku
Le principal allié de Soga no Umako fut le tout jeune prince Umayado no Toyotomimi, plus connu de la postérité sous le nom de Shōtoku-taishi, le prince Shōtoku (574-622). Fils de l’empereur Yōmei, successeur de Bidatsu, le prince étudia les doctrines bouddhiques auprès de religieux coréens, dont Eji (en coréen Hyecha), originaire du royaume de Koryo (en japonais Koma) et résidant au Hōkō-ji ; il maîtrisa suffisamment les doctrines pour donner des exposés publics sur les grands textes bouddhiques, en particulier le Sūtra du Lotus (en 606 ; ce sūtra avait sans doute été introduit au Japon en 577). On lui doit la première ambassade officielle du Japon à la cour de Chine (en 607 ; d’autres se poursuivront jusqu’en 894 et joueront un grand rôle dans le bouddhisme japonais) et la promulgation de la fameuse Constitution en dix-sept articles (604), dont l’article 2 recommande de vénérer avec ferveur les Trois Joyaux. Mais il ne faut pas exagérer le caractère bouddhiste de cette « constitution » ; l’harmonie (wa) qui y est prônée est une notion avant tout confucianiste et des travaux ont mis en lumière des influences taoïstes qui ont joué sur elle. La tradition attribue au prince Shōtoku la construction de sept temples, dont il ne faut probablement retenir que le Hōryū-ji, mais surtout la paternité de trois importants commentaires de sūtra bouddhiques, principalement d’un commentaire du Sūtra du Lotus ; l’authenticité de ces trois traités est rien moins que certaine ; beaucoup de savants modernes préfèrent y voir des compilations effectuées par des moines coréens au Japon à partir de textes chinois, Shōtoku en ayant été le promoteur et le diffuseur. Mais, dès le milieu du VIIIe siècle, ces textes lui étaient fermement attribués et, quoi qu’il en soit, le prince commentateur, qu’un moine chinois du même siècle proclama être la réincarnation du grand docteur chinois Huisi (VIe s.), devint le modèle même de l’homme politique pratiquant et protégeant le Dharma ; nombreux seront ceux qui l’imiteront et se réclameront de lui. Il fut en quelque sorte l’Aśoka japonais, bien qu’il ne fût jamais monté sur le trône et n’eût occupé que les fonctions de régent (sesshō).
L'affermissement
En 624, il y aurait eu au Japon 46 monastères, 816 moines et 569 nonnes. Si l’État avait la ferme intention d’utiliser le bouddhisme comme religion protectrice – rôle qui fut le sien dans les autres pays d’Extrême-Orient qui l’avaient adopté –, il n’entendait pas laisser la communauté monastique sans supervision. La même année furent nommés des recteurs et des préfets monacaux (sōjō, sōzu, titres chinois d’origine) chargés de surveiller la communauté. Le code de lois promulgué lors de la réforme de Taika (645) reconnaît la hiérarchie traditionnelle indienne des « trois cordes » (ou grades, sangō). En 701 est publié un Code des moines et des nonnes (sōni-ryō) interdisant la propagande religieuse parmi le peuple, l’entrée non officielle dans les ordres monastiques et la pratique de la divination. Tout moine ou nonne devra dès lors être muni d’un certificat officiel d’ordination (dochō) remis par le ministère de l’Intérieur.
À l’époque de Nara, en 741, un pas important fut fait dans l’intégration de la communauté religieuse à l’action politique avec l’établissement du système des monastères provinciaux (kokubun-ji) par l’empereur Shōmu, sur le modèle établi en Chine par l’usurpatrice Wu Zetian : en chaque province devaient être bâtis deux monastères, l’un de vingt moines, l’autre de dix nonnes, qui se consacreraient à la récitation des sūtra pour la protection de l’État et l’effacement des péchés. Ces monastères, qui bénéficiaient du revenu de rizières, étaient mis sous le contrôle du Tōdai-ji de Nara, dont la grande statue du buddha Vairocana, achevée en 752, symbolisait l’interpénétration du religieux et du politique. Cette symbiose n’alla pas sans tentative de déséquilibre : le religieux Genbō, de l’école Hossō, qui avait rapporté de Chine l’idée des monastères provinciaux, fut impliqué en 745 dans une tentative de révolte politique, et exilé. Plus tard, Dōkyō, moine de la même école et favori de l’impératrice Kōken, alla jusqu’à tenter de monter sur le trône ; il en fut empêché en 769 par une alliance des grandes familles de la noblesse et mourut exilé en 772. La décision d’abandonner Nara en 784 pour transférer la capitale à Heian (l’actuelle Kyōto) en 794 s’expliquait aussi par le désir qu’avait la cour de s’éloigner des grands centres monastiques de plus en plus puissants et de recouvrer une plus grande liberté d’action.
La période de Heian (794-1192) vit l’apparition de deux écoles, le Tendai et le Shingon, qui venaient naturellement de Chine et qui formèrent dans la nouvelle capitale, avec l’appui de l’aristocratie, un milieu bouddhique appelé à prendre la plus grande importance, en faisant d’abord contrepoids aux écoles de Nara avant de les supplanter. Le système de contingentement annuel des ordinations (nenbun dosha), qui avait débuté en 696, est alors parachevé et inclut les nouvelles écoles ; douze moines peuvent être ordonnés chaque année. L’administration des monastères est confiée depuis 752 à un intendant (bettō), qui a le statut de fonctionnaire et qui peut même être un laïc (zoku- bettō). Cette époque vit aussi la pénétration du bouddhisme dans la vie quotidienne de la noblesse, qui s’entiche des cérémonies fastueuses et des prestiges de l’ésotérisme (mikkyō), lequel gagne même l’école Tendai. La religion s’adapte à son public aristocratique : à l’Enryaku-ji, centre du Tendai, la plate-forme où prennent place les nobles lors des cérémonies est à la hauteur du visage des statues bouddhiques afin qu’ils se retrouvent à égalité, réponse concrète au vieux débat chinois sur la supériorité du clergé ou du pouvoir politique.
Les changements
En 1192, Minamoto no Yoritomo devient shōgun, au terme d’une longue période de troubles civils au cours de laquelle le vieil ordre s’écroule, tandis que des monastères comme le Tō-ji, l’Enryaku-ji, le Kōfuku-ji interviennent de plus en plus dans la vie politique avec leurs moines-guerriers (sōhei). C’est le début de l’époque de Kamakura (1185 ou 1192-1333), où va s’opérer une rénovation profonde du bouddhisme japonais après l’effondrement de bon nombre des structures traditionnelles. L’idée que le monde était entré, depuis 1052 selon l’opinion courante, dans la période qui devait voir le déclin, puis la disparition du bouddhisme (mappō) s’était généralisée et laissait le champ libre à l’apparition de nouveaux courants plus adaptés à une époque ressentie comme dégénérée, tandis que le transfert de la capitale à Kamakura, bien loin de Kyōto, créait un nouveau foyer d’attraction, indépendant de la cour impériale.
Ce que l’on a appelé le « nouveau bouddhisme de Kamakura » avec les écoles de la Terre pure (Jōdo-shū et Yūzū-nenbutsu dès la fin de Heian, Jōdo-shū et Ji-shū au XIIIe s.), l’école de Nichiren et celles du zen, peut être considéré comme l’achèvement du processus de japonisation du bouddhisme et de sa diffusion dans des couches plus vastes de la société. Tandis que Nichiren est exilé pour ses tentatives d’influer sur la politique des shōgun, le zen se propage dans la classe nouvelle des guerriers (bushi) ; les mouvements de la Terre pure deviennent extrêmement populaires et constituent l’une des composantes des grands soulèvements tels que les révoltes dites Ikkō-ikki, qui troublèrent le Japon pendant cent ans à partir de la fin du XVe siècle. Les grandes campagnes militaires d’Oda Nobunaga, puis de Toyotomi Hideyoshi, à la fin du
XVIe siècle, furent aussi dirigées contre les grands centres monastiques, devenus des forteresses défendues par des moines-guerriers ; l’Enryaku-ji, centre séculaire du Tendai, est incendié en 1571 ; en 1602, le Hongan-ji, haut lieu du Jōdo shinshū et citadelle des rebelles du Ikkō-ikki, se scinde en deux monastères à la suite des manœuvres du premier shōgun des Tokugawa, Ieyasu.
Mais le shogounat d’Edo, le bakufu, lorsqu’il se lança dans sa politique d’extermination du christianisme – dont Nobunaga s’était fait quelque temps le protecteur pour affaiblir ses adversaires bouddhistes –, comprit vite l’avantage qu’il avait à restaurer à son profit un réseau monastique lui permettant de tenir la population étroitement surveillée. Ce fut alors l’instauration du système dit de l’inscription paroissiale (danka seido), qui obligeait chaque famille japonaise à se faire inscrire dans un temple bouddhique où on lui remettait un certificat prouvant qu’elle n’était pas chrétienne. Les grandes sectes établirent des temples à Edo, la nouvelle capitale, afin d’être plus proches du gouvernement ; l’exemple le plus typique en est le Kan.ei-ji, qui devint le centre effectif du Tendai à l’époque et dont le fondateur, Tenkai (1536-1643), proche d’Ieyasu, joua un rôle politique indéniable. L’époque d’Edo vit de même l’établissement définitif du système des monzeki ou « résidences de lignage », qui faisait qu’un certain nombre des monastères les plus prestigieux étaient réservés à des résidents choisis dans la famille impériale et la grande noblesse.
Les revers
Alors que la position du bouddhisme semblait ainsi renforcée politiquement et que l’on pouvait penser qu’il allait reprendre comme autrefois son rôle de religion protectrice de l’État, il se trouva en butte aux attaques des deux grandes idéologies concurrentes, attaques qui allèrent s’intensifiant vers la fin de l’époque d’Edo. Il s’agissait du confucianisme d’abord, ou plutôt du néo-confucianisme fondé sur la pensée du philosophe chinois Zhu Xi (mort en 1200) et représenté par des penseurs comme Hayashi Razan (1583-1657) ; il était devenu la doctrine officielle du shogounat (un décret de 1790 interdit même l’enseignement des autres écoles confucianistes) et ses représentants ne ménagèrent pas leurs critiques contre le bouddhisme, accusé d’être une fantasmagorie immorale et antisociale. De l’autre côté, celui-ci se heurta aux shintoïstes, avec de grands érudits tels que Motoori Norinaga (1730-1801) et Hirata Atsutane, promoteurs des « études nationales » (kokugaku), qui rejetaient complètement cette religion étrangère, à la fois indienne et chinoise. Ce double assaut, renforcé par la critique historique de Tominaga Nakamoto (1715-1746), dont le Shutsujō-kōgō
(« Propos au sortir de la concentration ») mettait à mal la chronologie bouddhique traditionnelle, allait porter ses fruits à la Restauration de Meiji.
La religion des clercs
Les moines étrangers
Le bouddhisme est une religion fondée sur une communauté monacale, le dernier des Trois Joyaux, chargée de conserver et de transmettre le Dharma, et d’assurer à ses membres un milieu propice aux pratiques de délivrance. Le cadre en est fourni par la discipline monastique à laquelle chaque moine s’engage lors de son ordination ; ce code disciplinaire (ritsu en japonais, vinaya en sanscrit) est commun au Petit et au Grand Véhicule, mais il connaîtra bien des vicissitudes au Japon, où le monachisme finira par prendre une forme très particulière.
La première communauté était formée de moines coréens : neuf furent envoyés de Paekche en 554 ; ils venaient de remplacer sept autres, qui se trouvaient donc au Japon avant eux ; cela implique qu’il existait des moines qui s’occupaient sans doute exclusivement des immigrés. En 577, six autres religieux arrivèrent, et c’est en 583 ou 584, à l’instigation de Soga no Umako, qu’eut lieu la première entrée en religion sur le sol japonais. Or il s’agissait de Shima, la propre fille de Shiba Tatto, immigré chinois que nous avons déjà mentionné, laquelle prit le nom religieux de Zenshin, ainsi que de deux autres filles d’immigrés. Elles se rendirent en 588 à Paekche pour y être régulièrement ordonnées. La première communauté japonaise fut donc formée de nonnes d’origine continentale et il faut sans doute voir là la marque d’une réticence des nobles autochtones à s’engager dans cette religion étrangère. Les moines coréens arrivèrent régulièrement au Japon au cours du siècle suivant et furent les premiers maîtres en bouddhisme des Japonais. La prononciation sino-japonaise traditionnelle utilisée encore actuellement dans la récitation des sūtra, le go.on, reflète certainement la prononciation coréenne de l’époque.
Mais, avec le début des ambassades en Chine, le rôle de la Corée comme intermédiaire du bouddhisme alla en s’amenuisant, encore que des Coréens eussent participé à la transmission d’écoles aussi importantes que le Hossō et le Kegon. Les Japonais préférèrent puiser directement aux sources chinoises, et les écoles de Nara et de Heian, jusqu’à la fin du IXe siècle surtout, mais plus tard aussi, virent se croiser les moines chinois qui venaient s’installer au Japon et les moines japonais qui allaient étudier en Chine. Le plus prestigieux de ces Chinois est certainement Ganjin (en chinois Jianzhen ; 688-763). Il arriva au Japon en 754 et son nom reste attaché à l’établissement d’une ordination fondée sur l’observance stricte du vinaya, contrairement à ce qui était le cas avant son arrivée, ainsi qu’à la fondation des trois centres officiels d’ordination (kaidan, le premier étant au Tōdai-ji) qui vont marquer l’apogée de l’école de la Discipline (Ris- shū) au Japon. Ganjin apportait aussi des traités de l’école Tendai (en chinois Tiantai), qui devait s’épanouir trois quarts de siècle plus tard, et il fut suivi par des disciples chinois qui allaient participer à son œuvre de propagation du bouddhisme. Déjà avant lui, Dōsen (en chinois Daoxuan, 702-760) avait introduit au Japon les doctrines de l’Avatamsaka (Kegon) et des pratiques de zen ; l’un de ses compagnons, Bodhisena, fut sans doute le seul Indien à fouler le sol japonais.
Même à distance, le bouddhisme chinois jouait un rôle dans les écoles japonaises : jusqu’à la fin du Xe siècle, les moines japonais eurent coutume d’envoyer aux docteurs chinois des listes de questions délicates : les réponses de ces derniers, regroupées en livrets dits tōketsu (« élucidations chinoises »), faisaient référence. L’abandon de cet usage marqua le moment où les Japonais eurent conscience d’avoir atteint un niveau de connaissance qui leur permettait de progresser sans aide. D’autres religieux chinois arrivèrent aux époques de Kamakura et Muromachi, tel Issan Ichinei (en chinois, Yishan Yining ; 1247-1317), moine zen qui eut une grande influence sur la littérature sino- japonaise du temps ; le dernier de ces moines du continent à jouer un rôle fut Ingen (en chinois Yinyuan ; 1592-1673), qui, venu au Japon en 1654 avec ses disciples, y fonda la secte zen Ōbaku, proche du Rinzai. Ainsi, du début de son histoire à l’aube des Temps modernes, le bouddhisme japonais fut constamment vivifié par la venue de moines continentaux.
Les six écoles anciennes
L’expression classique du bouddhisme de l’époque de Nara (710-784), structure bien intégrée en tant que religion protectrice d’un État régi par les codes, est la liste des « six écoles de la capitale du Sud » (nanto-rokushū ; cette capitale étant Nara par rapport à Kyōto). Le terme de shū est souvent traduit par « secte », mais certains savants estiment qu’il vaut mieux rendre par « école » un mot qui, en Chine et à date ancienne au Japon, bien que déjà dans une moindre mesure, désigne une communauté religieuse ouverte où l’on étudie et pratique le même système. L’ordre traditionnel de ces six écoles est le suivant :
1. Sanron-shū ou « école des Trois Traités » ; ces trois traités sont des œuvres du grand philosophe bouddhiste de l’Inde Nāgārjuna (IIIe s.) et de son disciple Āryadeva et représentent la « voie moyenne » (mādhyamaka), subtil système de pensée qui, à l’aide de la logique, démontre l’inanité de toute affirmation ou négation pour déboucher sur la contemplation de la vacuité (kū). Les traités furent traduits en chinois par Kumārajīva (mort vers 410) et l’école fut illustrée par Jizang (mort en 623). Transmise au Japon une première fois en 625 par un moine coréen, cette doctrine le fut à nouveau par le Japonais Dōji en 744, mais, très philosophique, elle n’acquit jamais une grande audience et se fondit au cours de l’époque Heian dans le tout-puissant courant ésotérique.
2. Jōjitsu-shū ou « école de l’Établissement de la réalité (ou des vérités) » ; elle est fondée sur le traité du même nom, œuvre de l’Indien Harivarman (IIIe-IVe s.) qui fut traduite en chinois par Kumārajīva et qui expose systématiquement les quatre saintes vérités du bouddhisme. Malgré sa théorie de la vacuité, ce texte fut considéré en Chine et au Japon comme relevant du Petit Véhicule et l’école, déjà en déclin sous les Sui et les Tang, ne fut regardée au Japon que comme une branche de l’école précédente.
3. Hossō-shū ou « école des Caractères phénoménaux » ; elle a pour base le « Traité de l’établissement du rien-que-pensée » (en japonais Jōyuishiki-ron) du chinois Xuanzang (602-664), expression chinoise du vaste courant de pensée dit yogācāra, qui affirme, au- delà de la vacuité et du non-moi, l’existence transcendante de la conscience éternellement éveillée. Hors du cadre de l’école, le yogācāra imprègne en réalité une grande partie du bouddhisme chinois, coréen et japonais. Son enseignement fut d’abord transmis au Japon en 661 par Dōshō (629-700), qui avait étudié en Chine avec Xuanzang lui-même ; et il connut en tout quatre transmissions différentes, la dernière étant celle de Genbō (mort en 746), qui séjourna vingt ans en Chine et en rapporta le premier canon bouddhique complet. Le Hossō-shū fut la plus active des écoles de Nara et se perpétua jusqu’à nos jours en maintenant au cours des âges le haut niveau de sa doctrine. C’est un moine du Hossō, Toku.itsu, qui fut l’opposant le plus critique de Saichō au début du VIIIe siècle.
4. Kusha-shū ou « école de l’Abhidharmakośa » ; fondée sur le grand traité de philosophie bouddhique de ce nom, œuvre de l’Indien Vasubandhu (Ve s.) traduite en chinois par Xuanzang, elle fut transmise au Japon en même temps que le Hossō, et le Kusha-shū fut intégré à cette dernière école. Bien qu’il relevât du Petit Véhicule, ce traité était la somme dogmatique qu’étudiaient toutes les écoles, ce qui explique sans doute que son école n’eut pas d’existence indépendante.
5. Kegon-shū ou « école de l’Ornementation fleurie », c’est-à-dire du Sūtra de l’Avataṃsaka, l’un des plus profonds textes du Mahāyāna, dont l’intégralité n’existe plus qu’en trois versions chinoises. L’école, dont le Chinois Fazang (643-712) fut le grand patriarche, fut transmise au Japon par l’un de ses disciples, le Coréen Shinjō (prononciation coréenne Simsang ; mort en 742), et par son élève japonais Rōben (mort en 773). Par sa doctrine de l’interpénétration des divers plans de l’Univers et de leur intégration ultime dans l’essence du buddha Vairocana, cette école, la seule des six de Nara à se fonder sur un sūtra (parole directe du Buddha) et non sur un śāstra (traité d’un docteur), se rapprochait de l’école Tendai, qui avait d’ailleurs son enseignement dans son système doctrinal, mais elle sut préserver son indépendance jusqu’à nos jours, où elle est encore implantée au Tōdai-ji. Elle connut de belles renaissances aux époques de Kamakura et d’Edo, et exerça une grande influence sur la pensée, la littérature et l’esthétique.
6. Ris-shū ou « école de la Discipline » ; fondée, on l’a vu, par Ganjin, elle se perpétua au Tōshōdai-ji de Nara, où elle existe encore, mais l’introduction du Tendai et de l’ésotérisme, suivie du mouvement réformateur de Kamakura, diminuèrent son importance, bien qu’elle pût connaître des regains sous Kamakura et Muromachi. On vit même pendant Edo des moines d’autres écoles, et aussi, paradoxalement, du Tendai, remettre en vigueur l’antique vinaya ; il existe encore, en tout petit nombre, des moines respectant tous les préceptes, appelés kaisō.
La nouvelle vague de Heian
À l’époque qui s’ouvre avec le transfert de la capitale à Heian (Kyōto) en 794, ces six écoles anciennes sont supplantées par deux puissants courants qui, transmis au début du IXe siècle, vont profondément influencer la pensée et la religiosité japonaises. Ils sont illustrés par les grandes personnalités de Saichō et de Kūkai, qui, insatisfaits de ce qu’ils trouvaient au Japon, allèrent tous deux en Chine en quête de nouveaux enseignements.
Saichō (767-822) était d’une famille d’origine chinoise immigrée de longue date. Manifestant un goût pour la vie érémitique, il étudia les doctrines du Hossō et du Kegon avant de s’isoler sur le mont Hiei près de Kyōto. La lecture des grands traités du Tiantai (en japonais Tendai) l’incita à se rendre en Chine pour en approfondir l’étude. La cour, où il jouissait déjà d’une grande considération, l’y ayant autorisé, il effectua la traversée en 804 avec les navires d’une légation officielle. Il ne resta qu’un an sur le continent mais put y recevoir plusieurs enseignements et initiations ; et la tradition insista sur le fait qu’en plus du Tendai il transmit aussi au Japon l’ésotérisme, le zen et l’ordination du Grand Véhicule. Cette dernière, dite aussi Commandement parfait, ou de bodhisattva, affranchissait le monachisme des obligations de l’ancienne discipline et en même temps de la tutelle des centres d’ordination de Nara. Saichō demanda la permission officielle d’établir un centre d’ordination indépendant malgré l’opposition des écoles de Nara, contre lesquelles il eut à soutenir de longues polémiques. Cette permission fut accordée quelques jours après sa mort ; elle consacrait l’indépendance de la nouvelle école et de son monastère situé sur le mont Hiei, l’Enryaku-ji. L’enseignement du Tendai, fondé sur le Sūtra du Lotus (Myōhō renge kyō) et élaboré sous sa forme scolastique par le Chinois Zhiyi (538-597), apportait à la fois un complexe système théorique – qui opère une remise en ordre de la totalité des doctrines bouddhiques réorientées vers la révélation suprême du Sūtra du Lotus, expression de la Doctrine parfaite en laquelle se résorbent toutes les différences – et un ensemble de pratiques de méditation, proches des techniques zen, qui mènent à la contemplation, où Univers et pensée s’intègrent parfaitement. Cet enseignement est en soi parfaitement exotérique, mais, quelques années après Saichō, les deux grands moines Ennin (794-864) et Enchin (814-891) se rendirent en Chine et en rapportèrent des doctrines ésotériques approfondies qui influencèrent grandement le Tendai, menacé par le grand succès de l’école de Kūkai, et contribuèrent à la naissance du Taimitsu, l’ésotérisme Tendai (opposé au Tōmitsu), qui se scinda bientôt en deux branches, l’une, au mont Hiei, se réclamant d’Ennin, l’autre, au Mii-dera, d’Enchin.
Kūkai (774-835), après de solides études au Japon, où il s’était déjà familiarisé non seulement avec le bouddhisme mais aussi avec le confucianisme et le taoïsme, se rendit en Chine avec la même légation que Saichō et y resta un an de plus que celui-ci. Il reçut l’initiation ésotérique de Huiguo (746-805) et, de retour au Japon, se consacra à la propagation du bouddhisme ésotérique (mikkyō), qui rencontra un succès extraordinaire auprès de la cour et de la noblesse. Cet enseignement, fondé sur le Sūtra du buddha Mahāvairocana (en japonais Dainichi) et représenté concrètement par les deux maṇḍala (en japonais mandara) qui furent installés dans les temples ésotériques, malgré son caractère abscons, se manifestait en un rituel fascinant dont la complexité rehaussait l’attrait. Les pratiques de méditation et le rituel ésotériques visent à réaliser dans la personne du pratiquant l’intégration avec le Tout universel et l’obtention de l’état de buddha dès cette existence et en ce corps ; par une conséquence naturelle, l’adepte se trouvait alors muni de pouvoirs miraculeux qui pouvaient s’exercer au bénéfice de l’État et de la société. On comprend donc le succès que rencontra la prédication de Kūkai, qui exerça son influence jusque sur l’école rivale du Tendai. En 816, l’empereur lui fit don du Kōyasan, petite montagne du département de Wakayama et, en 823, du Tō-ji, monastère qui venait d’être construit à Kyōto même. La nouvelle école, appelée Shingon-shū ou
« école des Paroles vraies », c’est-à-dire des formules à caractère magique (mantra et dhāraṇī), qui jouaient un si grand rôle dans la pratique tantrique, acquit officiellement son indépendance en 835. Le mikkyō allait désormais influencer en profondeur la culture japonaise et colorer des courants bouddhiques a priori éloignés : comme on l’a vu pour le Tendai, la sévère école de la Discipline elle-même vit se développer une branche ésotérique ; et, plus tard, un mouvement en principe aussi ouvert que la Terre pure connut aussi une transmission sous le secret initiatique. Le Shingon-shū est encore actuellement une secte importante.
Les deux nouvelles venues étaient dès lors intégrées dans le bouddhisme japonais et, lorsque, en 830, l’empereur Junna demanda aux principales écoles de rédiger pour la cour l’essentiel de leurs doctrines, les six à être sollicitées furent le Sanron, le Hossō, le Kegon, le Ritsu, le Tendai et le Shingon.
Nouveautés et renaissances
Le bouddhisme restait cependant une religion monacale, aux dogmes abstrus, rédigés dans une langue à part, et aux pratiques longues et prenantes. Les trois principaux mouvements apparus à l’époque de Kamakura seront chacun à sa manière une simplification, une réponse plus aisée aux préoccupations religieuses non seulement du peuple et de la noblesse, mais aussi d’une grande partie des moines. Il est également significatif que tous les fondateurs de ces nouvelles sectes (ce terme devient alors plus approprié) aient auparavant étudié les doctrines du Tendai, ce qui montre l’importance de cette école, mais aussi de la divergence entre les solutions qu’elle proposait et les aspirations religieuses d’esprits ardents. De ces trois mouvements, deux sont d’origine chinoise et le troisième est une japonisation extrême du Tendai.
Les doctrines de la Terre pure (jōdo-kyō) ne sont pas à proprement parler une nouveauté. Apparues en Chine dès le IVe siècle et fondées sur la foi au salut par l’invocation mentale ou vocale (nenbutsu) du buddha Amida (prononciation française du sanscrit Amitābha) qui accueille ses fidèles en la Terre pure de l’Ouest, elles furent connues très tôt au Japon et il se peut que Saichō y eût été sensible. Associé à la croyance au déclin inexorable du Dharma (mappō) et conçu comme le seul recours pour des êtres dégénérés qui ne peuvent plus s’adonner qu’à cette « pratique facile », opposée aux complexes systèmes d’autrefois, l’amidisme se répandit à partir du Tendai dès l’époque de Heian. Il est illustré par Genshin (942-1017), grand érudit dont l’Ōjō yōshū, l’un des livres les plus lus des lettrés de la fin du Heian et de Kamakura, prône la pratique du nenbutsu. Ryōnin (1073- 1132), par sa dévotion à la pratique du nenbutsu et par la théorie qu’il en fit, exerça une influence considérable, qui se concrétisa bien plus tard, à l’époque d’Edo, par la création du Yūzū-nenbutsu-shū ou « école de l’Invocation intégrée ». Avec le moine Genkū (1133-1212), plus connu par son titre de Hōnen et issu du Tendai, la rupture avec l’ancienne école fut consommée et la secte de la Terre pure (Jōdo-shū) devint indépendante en 1175.
Pendant Kamakura, la doctrine fut portée à un point radical par Shinran (1173-1262) ; celui-ci fit ses études dans l’école Tendai, puis, devenu disciple de Hōnen, il fut exilé avec ce dernier lorsque le Jōdo-shū fut interdit. Il se maria, devint père de famille, sans renoncer à la vie religieuse. Une maladie lui fit expérimenter concrètement l’efficace de la « force de l’autre » (le buddha Amida), qui vient sauver les êtres, incapables qu’ils sont d’assurer leur salut par leur « propre force », comme le voudraient les autres écoles. Mais Shinran ne s’arrêta pas à ce dualisme de Hōnen et, allant plus loin, il prôna un monisme absolu où le nenbutsu, effectué ne fût-ce qu’une seule fois, réalise la fusion de la Terre pure et de ce monde dans la pensée du fidèle. Même le dernier des criminels peut alors être sauvé dès cette existence, ainsi que l’exprime avec force le Tanni-shō, un recueil posthume de ses propos, qui est l’un des premiers grands livres religieux rédigé en japonais, et donc accessible à des lecteurs médiocrement lettrés. La secte dont il est le fondateur, le Jōdo-shinshū ou « vraie secte de la Terre pure » – que l’on fait traditionnellement commencer en 1224, date du début de la rédaction de son grand traité, le Kyō-gyō-shin-shō, et dont le nom même veut indiquer le progrès réalisé sur la secte de la Terre pure –, se répandit extrêmement vite dans le peuple. Cette nouvelle dévotion, par ses aspects quiétistes et par le mode de vie quasi laïque qu’elle permettait aux religieux, semblait réduire le fossé entre le but ultime du bouddhisme et le fidèle qui y aspirait. La simple invocation au buddha Amida, namu Amida butsu, devint la forme la plus familière de la piété japonaise. De par leur nature même, les pratiques de la Terre pure connurent de nombreuses diversifications lorsqu’elles furent adoptées par le peuple.
Les doctrines et pratiques du zen (abréviation de zenna, du sanscrit dhyāna, « méditation »), on l’a vu, furent à plusieurs reprises introduites partiellement auparavant (par Saichō entre autres) ; elles constituaient aussi, quoique d’une façon différente de la Terre pure, une réaction à la complexité parfois contradictoire des enseignements scolastiques ; elles « court-circuitaient » ceux-ci en donnant la priorité à l’obtention de l’Éveil (en japonais satori, traduction du sanscrit bodhi) non plus par des pratiques s’accumulant au long des existences et fondées sur des écritures sacrées et des commentaires, mais par une relation intime avec un maître qui, en dirigeant le disciple conformément à ses facultés, l’amènera à la réalisation subite et totale de la délivrance.
Le précurseur du zen indépendant fut Dainichi Nōnin (fin du XIIe s.), qui était issu du Tendai et qui essaya sans succès d’établir une « école de Bodhidharma » (du nom du moine indien qui avait transmis le zen en Chine au VIe siècle) ; mais le début d’un véritable courant zen au Japon fut l’œuvre d’Eisai (ou Yōsai ; 1141-1215), moine du Tendai qui, soucieux de restaurer l’intégrité de son école, se rendit en Chine pour y étudier le zen de l’école Linji, qu’il désirait introduire dans le Tendai. Devant l’opposition des moines du mont Hiei, qui voulurent faire interdire son enseignement, et grâce à l’appui du shōgun de Kamakura, il fonda sa propre lignée, qui devint le Rinzai-shū (prononciation japonaise de Linji). Le zen de la branche Rinzai met l’accent sur l’obtention de l’Éveil par la méditation sur le kōan, question paradoxale dont l’impossibilité logique oblige la pensée à rompre ses entraves.
La seconde école zen de Kamakura fut le Sōtō-shū (ou Sōdō-shū), fondé par Dōgen (1200-1253) ; celui-ci, insatisfait de l’enseignement du Tendai, étudia d’abord le zen avec Eisai, avant de se rendre en Chine où, au cours d’un séjour de quatre ans, il approfondit la pratique de la branche Caodong (prononciation chinoise de Sōtō), laquelle privilégie la méditation assise (zazen) sans support particulier de la pensée pour réaliser le satori. Peu soucieux de rester près du pouvoir politique, Dōgen propagea son enseignement austère dans le monastère Eihei-ji (département de Fukui). S’il a laissé des œuvres en chinois classique, l’essentiel de sa pensée est consigné dans son grand œuvre, le Shōbō genzō (« Le Trésor de l’œil de la vraie Loi »), rédigé en japonais et sans doute le monument le plus important de la pensée bouddhique japonaise. Ces deux écoles zen jouèrent un grand rôle au Japon. Le Rinzai fut l’intermédiaire de tout un courant de culture chinoise qui dépassait le bouddhisme ; nombre de ses adeptes illustrèrent les lettres sino-japonaises, la peinture, les arts en général ; et la noblesse s’y rallia avec enthousiasme. Le Sōtō trouva aussi une grande faveur dans la classe des samouraïs, séduite par la simplicité et la sobre sévérité de sa pratique. Mais le peuple ne se tint pas non plus à l’écart et actuellement encore nombreuses sont les familles qui s’en réclament.
Le dernier grand mouvement est celui de Nichiren (1222-1282), fondateur de la secte qui porte son nom (Nichiren-shū). Éduqué dans le Tendai, qu’il voulut restaurer dans sa pureté originelle, il exalta la dévotion au Sūtra du Lotus, dont il instaura, peut-être sous l’influence du nenbutsu et de l’idée de mappō, la pratique de l’invocation (namu myōhō renge-kyō). Grand adversaire de l’amidisme, il aspirait à établir au Japon un bouddhisme unifié support de l’État et apporta une tonalité nouvelle (bien que l’on en trouve un pressentiment chez Saichō) en développant la conception du Japon comme pays privilégié d’un bouddhisme régénéré par les facultés supérieures de ses habitants. Ses tentatives pour influer sur la politique lui valurent l’exil, mais ses idées se propagèrent rapidement. Écrivant en chinois mais aussi en japonais, il laissa des lettres vigoureuses au ton très polémique qui furent très largement lues et diffusées.
En même temps que ces nouvelles sectes réformaient en profondeur la religiosité japonaise, les anciennes écoles, sous leur influence et par émulation avec elles plutôt que par réaction, connaissaient une renaissance spirituelle qui se manifesta aussi par une intégration des nouveaux courants à l’ancienne dogmatique. Le nenbutsu notamment s’ancra profondément dans nombre d’entre elles et reçut une justification dogmatique en accord avec les différents systèmes. De même, le mikkyō continua de se répandre, alors que, paradoxalement, l’antique discipline monastique reprenait vigueur dans certains milieux du Tendai. L’ancienne école qui connut le renouveau le plus remarquable pendant Kamakura, d’autant plus qu’elle avait été quelque peu occultée à la période précédente, fut le Kegon-shū, avec la grande personnalité de Myōe shōnin (Kōben ; 1173-1232), moine dont le goût pour l’érémitisme s’allia à un souci de préserver le pur vinaya. Il composa des poèmes japonais (waka), mais fut aussi le critique sévère de Hōnen ; adversaire de l’amidisme, il fut l’un des promoteurs de la foi en Maitreya (japonais Miroku), le buddha des temps futurs. Gyōnen (1240-1321), grand érudit à l’esprit de synthèse qui rédigea d’importantes œuvres d’histoire bouddhique et dogmatique, appartint de même au Kegon. Le Hossō-shū fut illustré par Jōkei, adversaire de l’amidisme et observant de la discipline, tandis que le Tendai eut en la personne de Ji.en (1155-1225) à la fois un grand poète de waka et le premier philosophe politique de langue japonaise avec son Gukan-shō, où les idées du mappō étayent la réflexion historique. Le Tendai, comme le Shingon, vit se développer aussi la pratique des « disputations » doctrinales (rongi), qui permettaient d’approfondir les dogmes par la discussion entre moines.
L'érudition d'Edo
L’époque d’Edo est remarquable par l’essor d’une sorte d’encyclopédisme bouddhique qui vit le jour dans plusieurs écoles. Les grands docteurs de l’époque rivalisèrent d’érudition non seulement dans la dogmatique de leur propre secte mais aussi dans les systèmes concurrents et la pensée extrabouddhique. Jamais l’idéal du kengaku-sō, du clerc versé dans l’ensemble des doctrines, ne fut aussi souvent réalisé. Il est intéressant d’observer que l’on trouve vers la même époque une orientation similaire en Chine, mais aussi au Tibet. Ce souci de ne pas rejeter mais d’intégrer les diverses composantes de la religion semble être un aboutissement logique de la pensée bouddhique. On peut aussi remarquer que les deux grands adversaires, le confucianisme et le shintoïsme du kokugaku, avaient eu pour pionniers des savants proches du bouddhisme ; le confucianisme avait été renouvelé par Fujiwara no Seika (1561-1619), qui avait d’abord été moine, et les études nationales avaient remarquablement progressé grâce à Keichū (1640-1701), religieux du Shingon.
Toutes les grandes sectes d’Edo connurent ce renouveau encyclopédiste. Il fut marqué notamment par de grandes éditions du canon bouddhique complet : en 1648 fut achevée l’édition mise en œuvre par Tenkai (1536-1643), le rénovateur du Tendai ; et c’est en 1681 que le fut l’édition xylographiée de Tetsugen (Dōkō, 1630-1682) de la secte Obaku. Parmi les grands moines érudits, on peut citer : Hōtan (Sōshun ; 1659-1738) du Kegon- shū, qui étudia les dogmes de toutes les écoles et écrivit de très nombreux ouvrages où il tenta une harmonisation du Kegon et du Tendai ; Fujaku (1707-1781), du Jōdo-shū, qui fut un précurseur des études critiques modernes ; Onkō (Ji.un sonja ; 1718-1804), du Shingon-shūn, qui essaya de faire la synthèse des connaissances transmises au Japon concernant la langue sanscrite. Ce vaste mouvement d’érudition bouddhique peut être considéré comme l’ancêtre direct des études bouddhiques universitaires et académiques qui s’épanouirent après Meiji.
La religion du peuple
Les moines et la dévotion populaire
On peut trouver la trace, depuis l’époque la plus reculée, de moines japonais ou d’origine immigrée qui exerçaient leurs activités à l’écart des communautés monastiques ; comme ils étaient presque des magiciens thaumaturges, leur prestige était d’autant plus grand parmi le peuple et ils furent à l’origine de courants importants de bouddhisme
« parallèle » ou semi-clandestins que les pouvoirs constitués cherchèrent toujours à circonscrire. C’est ainsi que l’on trouve mention dès 587 d’un « maître du Dharma de Toyokuni » (Toyokuni no Hōshi), invité à la cour pour guérir l’empereur Yōmei. On ne sait rien de lui par ailleurs et il faut sans doute voir en lui une sorte de demi-sorcier taoïsant aussi bien que bouddhiste qui exerçait dans les milieux populaires ou immigrés.
Gyōki (668-749), religieux de l’école Hossō, surnommé le Bodhisattva, choisit aussi de répandre dans le peuple non seulement la doctrine, mais encore les bienfaits sociaux du bouddhisme ; on lui attribue la construction de ponts, de dispensaires, de foyers d’accueil, de réservoirs, etc. Les autorités cherchèrent à plusieurs reprises à limiter ses activités de prédication. Tenu pour une incarnation du bodhisattva Manjusri, il fut dans l’histoire japonaise souvent pris comme modèle du religieux ordonné selon le « commandement de bodhisattva » par ceux qui s’opposaient à l’ordination fondée sur le vinaya du Petit Véhicule. On retrouve quelques-uns de ces traits chez Kūya (ou Kōya ; 903-972), surnommé le Saint des marchés, qui consacra la première partie de sa vie aux mêmes bonnes œuvres que Gyōki et surtout répandait parmi le peuple la pratique du nenbutsu. Admis ensuite dans l’école Tendai, il orienta dès lors ses efforts vers la noblesse, mais le « nenbutsu dansé » (odori-nenbutsu) qu’il avait propagé par les villes fut repris et diffusé avec enthousiasme à l’époque de Kamakura par Ippen shōnin (Chishin ; 1239-1289), fondateur de la secte Ji-shū, dont les pratiques d’invocations dansées collectives d’Amida furent extrêmement populaires. Trop sans doute, car ce mouvement fut incorporé au Jōdō shinshū pendant Muromachi. Des religieux de ce genre se retrouvent dans toute l’histoire japonaise et on les reconnaît souvent à l’épithète de « saint » (hijiri) qui leur est donné dans le peuple. Ils purent même former de véritables groupes, tels ces « saints du mont Kōya » (Kōya-hijiri), moines itinérants semi-laïques qui se répandirent dans le Japon à partir du XIe siècle et contribuèrent, d’une part, à propager le nenbutsu dans le Shingon et, de l’autre, à populariser les pèlerinages au mont Kōya.
Le syncrétisme shintō-bouddhique
Lorsque le bouddhisme fut transmis au Japon, on ne vit d’abord dans les différents buddha que l’équivalent des divinités traditionnelles japonaises et on les appela d’ailleurs « kami de Chine », plaçant ainsi les deux entités sur le même plan. Si ce fut la cause des premières confrontations, il est hors de doute que cette assimilation facilita aussi grandement l’implantation de la nouvelle religion. Le mouvement ne s’arrêta pas ; au contraire, il fut systématisé et s’étendit dans tous les milieux, gagnant les monastères bouddhiques comme les temples shintō, pour former ce courant religieux que l’on nomme syncrétisme shintō-bouddhique (shinbutsu konkō) et qui contribua à enraciner définitivement le bouddhisme dans la religiosité japonaise. Dès le VIIe siècle furent construits dans les jinja, sanctuaires shintō, des chapelles où l’on rendait un culte aux kami selon le rituel bouddhique (jingū-ji), de même que l’on prit l’habitude de réciter des sūtra lors des offices shintō. À l’époque Heian se constitua la base théorique de ce syncrétisme avec l’apparition de la doctrine dite honji suijaku, qui considère les divinités japonaises comme des émanations adaptées (suijaku) aux Japonais des grands buddha et bodhisattva du bouddhisme (honji, « base fondamentale »). Cette doctrine s’épanouit dans les écoles Tendai et Shingon ; dans la première, avec le Sannō ichijitsu shintō, fondé sur le culte du kami gardien du mont Hiei, qui fut systématisé à l’époque d’Edo ; dans la seconde, avec le Ryōbu shintō, qui fait correspondre les deux maṇḍala avec les deux sanctuaires d’Ise, le haut lieu du shintō. La déesse du soleil Amaterasu est assimilée au buddha Vairocana, dont le nom traduit en sino-japonais signifie « grand soleil ».
L’un des véhicules de ce syncrétisme dans de vastes couches de la population fut le Shugendō. À peu près à la même époque que Gyōki, pendant la période de Nara, vivait un personnage dont on ne connaît que des biographies semi-légendaires et que la postérité a appelé En no Gyōja (En no Ozunu). Sorcier thaumaturge, il eut maille à partir avec le gouvernement, qui le recherchait cependant pour ses pouvoirs. C’est de lui que se réclamèrent les yamabushi, adeptes de la Voie des pratiques miraculeuses (en japonais Shugendō). Ce mouvement syncrétiste mêlait le vieux culte japonais des divinités des montagnes (yamabushi signifie « qui s’abrite dans les montagnes ») à des doctrines bouddhiques prises dans l’ésotérisme Shingon et Tendai. Bien constitué dès le XIIe siècle, il fut diffusé dans tout le Japon par ses pratiquants, qui effectuaient des pèlerinages réguliers aux monts les plus révérés. Ces pérégrinations étaient mal vues des autorités, qui cherchèrent à mettre le Shugendō sous la tutelle directe du Tendai et du Shingon, ce qui se réalisa pendant la période d’Edo.
Pour toutes ces raisons, la plupart des Japonais n’avaient aucune raison de faire une discrimination trop nette entre les deux religions. Elles étaient perçues comme étant deux niveaux d’une même réalité, et c’est ce qui a rendu d’autant plus artificielle la séparation forcée qui fut opérée en Meiji.
Clandestins et rebelles
Nombreux étaient les courants bouddhiques où à la fois l’État et les écoles constituées pouvaient voir une source d’excès mettant en danger l’ordre social comme la saine doctrine bouddhique ; et les exemples ne sont pas rares au Japon où de véritables persécutions ont pu être imputées conjointement au bras séculier et au bras régulier. On sait que le tantrisme tel qu’il s’était développé en Inde avait élaboré un ensemble complexe de pratiques où l’élément sexuel jouait une grande place. Ces enseignements, s’ils avaient été bien transmis au Tibet, furent cependant très édulcorés lorsqu’ils passèrent dans le domaine chinois, où ils étaient trop choquants pour la sensibilité confucianiste ; par contrecoup, ils arrivèrent tronqués au Japon. Il est d’autant plus intéressant de remarquer que s’y firent jour deux mouvements tantriques clandestins qui suscitèrent l’opposition véhémente des docteurs des écoles officielles et virent leurs adeptes poursuivis, leurs dirigeants exilés et leurs livres détruits.
Le premier fut le Tachikawa-ryū ou branche de Tachikawa de la secte Shingon ; elle se caractérise par une interprétation sexuelle de l’enseignement ésotérique dit sokushin- jōbutsu ou « obtention en ce corps de l’état de buddha », laquelle doit être réalisée par l’union des deux maṇḍala que sont le corps masculin, d’une part (maṇḍala du Plan de diamant), et le corps féminin, de l’autre (maṇḍala du Plan de la matrice). L’influence des conceptions taoïstes sur l’union du yin et du yang est d’autant plus probable que le fondateur de cette branche, Ninkan (XIIe s.), dont les doctrines furent reprises par Monkan (1278-1357), avait étudié l’onmyō-dō, la « Voie du yin et du yang », qui était voisine du taoïsme. Le second fut le Genshi-kimyō-dan ou Estrade du refuge en l’enseignement occulte (de Saichō) ; il se voulait aussi une voie vers la réalisation en ce corps de la théorie de l’Éveil originel (hongaku) ; il est peu probable que les pratiques sexuelles aient été présentes dès l’origine de ce mouvement, mais son principal promoteur à l’époque de Kamakura, Enkan (1281-1356), connut Monkan et fut influencé par le Tachikawa. Il semble que des rites orgiastiques se soient déroulés au mont Hiei sous l’égide de Matara-jin, divinité d’origine indienne. Ce mouvement fut sévèrement réprimé à l’époque d’Edo et l’on n’en connaît les doctrines que par les réfutations du Tendai orthodoxe.
Le nenbutsu aussi connut la répression : au XVIIIe siècle apparurent plusieurs groupements spontanés de pratiquants qui se livraient à leurs dévotions en dehors du cadre reconnu des sectes de la Terre pure ; dénoncés par celles-ci et poursuivis par les seigneurs féodaux, ces groupements se firent clandestins et adoptèrent des formes de transmission très influencées par l’ésotérisme. C’est ce que l’on appelle le kakure- nenbutsu ou « invocation cachée, clandestine, du buddha », dont le nom même évoque les kakure-kirishitan (chrétiens clandestins) persécutés eux-mêmes de longue date et plus durement.
Un mouvement tout à fait remarquable par la force du refus qu’il opposa au pouvoir fut la dissidence du Nichiren-shū appelée Fuju-fuse-ha ou « Branche du refus de recevoir et de faire des dons ». Cette branche portait à ses conséquences extrêmes le refus déjà exprimé par Nichiren d’entretenir avec les autres sectes et les non-fidèles quelque sorte de relations que ce fût, soit prédication ou aumône, la force seule devant les persuader d’adhérer au Sūtra du Lotus. Mais, alors que le Nichiren-shū officiel, celui du Kuon-ji au mont Minobu, avait accepté de composer dans une certaine mesure, la tendance intransigeante se manifesta de façon spectaculaire avec le refus du religieux Nichiō (1564-1630) de participer en compagnie des autres sectes à la consécration d’une statue bouddhique sous le patronage de Toyotomi Hideyoshi. Il y eut dès lors scission, et les
« intégristes », de moins en moins nombreux, furent l’objet d’une féroce répression, qui se poursuivit pendant toute la période d’Edo. Le Fuju-fuse-ha est la seule secte qui, à côté des chrétiens, s’enorgueillit d’une tradition de martyrs. Elle fut légalisée à l’ère Meiji.
La modernité
La séparation du bouddhisme et du shintō
La Restauration de Meiji, en 1868, apporta de profonds bouleversements dans la situation du bouddhisme japonais. Les attaques des partisans des études nationales s’étaient faites plus violentes et culminèrent avec le mouvement haibutsu kishaku
(« destruction du bouddhisme »), qui accompagna la séparation forcée du bouddhisme et du shintoïsme (shinbutsu bunri). Dès l’époque de Kamakura, des théoriciens du shintō avaient proclamé la supériorité de celui-ci sur le bouddhisme et avaient notamment inversé l’idée du honji suijaku en proclamant que ce sont les kami qui étaient l’entité primordiale et les buddha et bodhisattva les émanations secondaires (shinpon butsujaku) ; l’aboutissement logique en était le rejet du secondaire, du non-japonais, au profit de la religion nationale liée directement à la maison impériale. Dans certaines provinces, on limita à un par secte le nombre des monastères ; il y eut des autodafés de sūtra, des ventes de biens religieux, etc. La phase violente, mal accueillie par le peuple, qui prit parfois la défense du bouddhisme, dura peu ; mais la rupture entre les deux religions était consommée. Il fut dès lors impossible de rendre un culte bouddhique aux divinités japonaises, toute trace en étant extirpée des monastères ; et les prêtres shintoïstes devaient désormais se garder de tout syncrétisme. Il faut d’ailleurs ajouter qu’une même coercition s’exerçait sur les petits sanctuaires shintō qui n’étaient pas intégrés dans les sectes officiellement reconnues. Le shintō restauré devenait culte national, qu’il était interdit de qualifier de religion, afin de prévenir toute objection des bouddhistes et des chrétiens à l’endroit de son observance ; la liberté religieuse était, par ailleurs, garantie, et ce fut l’époque de l’émiettement des sectes anciennes en de nombreuses branches qui tinrent à prendre leur indépendance.
L'essor des études bouddhiques
L’introduction des idées occidentales confronta les clercs à de nouvelles méthodes d’étude et de recherche dans le domaine religieux, qui était alors en pleine rénovation en Europe et dont ils comprirent rapidement la portée. Le Jōdo-shinshū envoya ainsi dès 1876 deux religieux étudier en Angleterre le sanscrit et le pāli auprès du grand indianiste Friedrich Max Müller ; l’un des deux était Nanjō Bun.yū (1849-1927), qui, de retour dans son pays, y développa par son enseignement et son œuvre la bouddhologie moderne. L’un des plus beaux fleurons en fut la publication du « Canon bouddhique révisé de l’ère Taishō » (Taishō shinshū daizōkyō), sous la direction de Takakusu Junjirō (1866-1945) ; c’est l’instrument indispensable des études bouddhiques. La redécouverte du bouddhisme indien n’alla pas sans répercussion sur la religiosité : il apparaissait que les traductions chinoises des écritures, sanctifiées par la tradition, pouvaient parfois différer de l’original, ou des versions tibétaines ; l’existence de l’antique école du Theravāda, fondée sur une tradition très différente du Grand Véhicule, amena quelques esprits critiques à soutenir que le Mahāyāna n’avait pas été enseigné par le Buddha, mais n’était qu’une invention tardive (daijō hi-bussetsu) et que les sūtra chinois étaient sans valeur.
On vit apparaître des mouvements de réforme à l’intérieur des sectes et la grande revue Chūō kōron, encore prospère de nos jours, fut fondée en 1887 par des moines et des intellectuels bouddhistes. Les grandes sectes tinrent aussi à avoir des universités où seraient formés leurs religieux, mais qui dispenseraient également un enseignement laïque ; il y eut ainsi l’université Otani pour le Jōdo-shinshū, Komazawa pour le Sōtō- shū, Taishō pour le Tendai, Shingon et Jōdo, etc.
Une fois recouvrée la liberté de sortir du pays, les religieux japonais se lancèrent dans l’exploration des hauts lieux bouddhiques de l’Asie, en des voyages qui étaient autant des pèlerinages que des expéditions. L’un des plus spectaculaires fut le voyage au Tibet de Kawaguchi Ekai (1866-1945), qui atteignit Lhasa au début du XXe siècle.
Les nouveaux mouvements
Après la Seconde Guerre mondiale, la liberté religieuse fut intégralement instaurée et le shintoïsme perdit sa place privilégiée. Le mouvement de diversification religieuse alla croissant, dans le bouddhisme comme dans le shintō et le christianisme. À côté des sectes traditionnelles s’implantèrent des sectes nouvelles, se plaçant parfois dans une continuité historique, tel le Nichiren shō-shū ou « secte authentique de Nichiren », qui se veut la seule interprète fidèle des enseignements du maître. Fondée en 1872 et ayant fait l’objet de poursuites, elle s’est épanouie après la guerre, et connaît à présent une grande diffusion au Japon comme à l’étranger. Plus récemment, une secte comme l’Agon-shū (secte des Agama) essaie de concilier les sūtra du Petit Véhicule avec les pratiques du mikkyō, ultime manifestation de la popularité de l’ésotérisme au Japon.
La présence du bouddhisme dans la langue et la littérature
À la différence de la Chine et de la Corée, où le bouddhisme, cédant le pas au confucianisme d’État, cessa d’être une composante importante de la vie culturelle et où l’affaiblissement, voire la quasi-disparition du clergé, rendit impossible toute action suivie d’éducation religieuse populaire avant la renaissance du XXe siècle, la continuité remarquable de la communauté bouddhique au Japon permit une pénétration en profondeur, dans le peuple, des idées qu’elle véhiculait. L’ampleur de la diffusion du bouddhisme se manifeste, bien entendu, dans l’art et l’architecture, mais aussi à tous les niveaux de la littérature et de la langue et, par voie de conséquence, dans la mentalité nationale, au point que, bien souvent, les Japonais « font » du bouddhisme sans le savoir. Avant d’évoquer la présence de celui-ci dans la langue, nous évoquerons trois genres littéraires qui en furent, à notre sens, des moyens privilégiés de propagation dans de plus larges couches de la population. Il est naturellement impossible d’évoquer ici la littérature scolastique à proprement parler, dont le caractère hautement spécialisé en a restreint la diffusion, si l’on excepte quelques grandes œuvres déjà évoquées, aux cercles monastiques et lettrés.
Les « setsuwa »
Les setsuwa sont littéralement des « contes [transmis par] récitation », consignés par écrit et rassemblés en recueils, le plus souvent par les soins de religieux, mais leur transmission orale avait pu s’effectuer dans des milieux fort divers, en partie populaires, car le caractère folklorique en est parfois très marqué. Si les premiers recueils furent rédigés dans le style sino-japonais savant (kanbun), la nature même du public plus étendu auquel ils s’adressaient fit que ces contes édifiants furent ensuite rédigés le plus souvent en japonais, non pas dans le japonais épuré de la littérature courtoise, mais dans une langue plus naturelle qui n’évite pas le vocabulaire d’origine chinoise (kango) et qui se révèle être l’ancêtre direct du style écrit moderne. Le plus ancien recueil transmis est le Nihon ryō.i ki ou « Livre des manifestations surnaturelles du Japon », rédigé en style sino-japonais au début de la période de Heian ; l’auteur, un moine du nom de Keikai (ou Kyōkai), se proposait d’illustrer par des exemples japonais la doctrine bouddhique de la rétribution des actes et la puissance miraculeuse des buddha.
Il confirme, dans une notice, qu’il a puisé dans la tradition orale et s’intéresse aux moines thaumaturges révérés par le peuple. Mais le monument le plus imposant relevant de ce genre est sans contredit le Konjaku monogatari (dont une partie a été traduite en français par B. Frank sous le titre Histoires qui sont maintenant du passé), énorme compilation de plus de mille cents récits remontant au début du XIIe siècle. D’auteur inconnu, l’ouvrage est divisé en trois parties principales regroupant les contes concernant l’Inde, la Chine et le Japon ; son style japonais relativement aisé, malgré un vocabulaire fortement sinisé, en fit une véritable encyclopédie narrative largement répandue, si l’on en juge d’après le nombre de manuscrits anciens conservés où les générations postérieures trouvèrent une riche matière constamment reprise et remaniée jusqu’à l’âge moderne. L’époque Heian a laissé, en outre, une riche littérature de setsuwa dont les principaux recueils sont le Sanbō e- kotoba (qui, datant de la fin du Xe s., reflète les doctrines du Tendai et s’adresse à un public aristocratique), le Honchō Hokke genki (qui est du milieu du XIe s. et relate les miracles effectués par le Sūtra du Lotus au Japon, à l’imitation d’ouvrages analogues en provenance de Chine), le Nihon ōjō gokuraku ki (fin du Xe s.), comprenant des biographies édifiantes écrites dans l’esprit de la piété amidiste. Toutes ces œuvres, qui reprenaient souvent des matériaux populaires, contribuèrent à leur tour à rediffuser cette matière dans l’imaginaire japonais.
La prédication
À bien des égards, la volumineuse littérature de prédication conservée en japonais (représentée par les recueils de « sermons », hōgo) est liée au genre des setsuwa ; c’est, en effet, dans ces contes édifiants que les moines allaient souvent chercher les exempla qui illustraient leur propos, contribuant ainsi à leur propagation ; et l’on constate d’ailleurs que, dans les catalogues de l’époque d’Edo, certains recueils de setsuwa étaient classés sous la rubrique hōgo. C’est ainsi le cas du Shaseki-shū (traduction française de H. Rotermund, sous le titre de Collection de sable et de pierres), œuvre du XIIIe siècle dans laquelle les prédicateurs puisèrent à pleines mains. Les sermons s’adressaient à deux grandes sortes de public, les clercs et les laïcs, avec évidemment de grandes différences de technicité et de profondeur selon la compétence du public visé. Pour prendre l’exemple de l’époque de Kamakura, qui fut marquée par l’essor des recueils de hōgo en langue japonaise, on voit ainsi surgir deux œuvres aussi dissemblables que le Shōbō genzō de Dōgen et le Tanni-shō de Shinran, toutes deux classées comme hōgo, mais aux antipodes l’une de l’autre par leur ampleur et leur doctrine ; leur point commun est cependant qu’il s’agit dans les deux cas de prédications orales mises ensuite par écrit. La tradition des sermons se poursuivit jusqu’à l’époque moderne et fut également cultivée dans les principales écoles, et singulièrement dans les sectes de la Terre pure et zen ; ils eurent une grande importance dans l’histoire de la langue, puisqu’ils notaient fidèlement, dans une forme à peine remaniée, la langue parlée quotidiennement, au moins dans les milieux monastiques. Ainsi les sermons de Ji.un sonja (mort en 1804), déjà mentionné, sont rédigés dans une langue très naturelle, qui contraste fort avec ses œuvres écrites en style savant.
Une forme particulière et très populaire de la prédication est l’e-doki, ou « prêche par les images », dans lequel le prédicateur s’aidait de pieuses illustrations pour faire passer plus facilement son propos ; c’est par ce moyen que les grandes figures de l’hagiographie se diffusèrent dans le peuple. Remarquons enfin que l’on commence à mieux comprendre la grande influence qu’exerça la prédication bouddhique dans de nombreuses formes d’arts de l’oralité, et notamment dans l’évolution du rakugo, ou art populaire de la narration comique.
La poésie
De tous les genres littéraires japonais, aucun n’a été tenu pour plus représentatif du caractère national que la poésie de langue japonaise (waka), qui est attestée dans les plus anciens monuments de la langue et dont l’un des impératifs les plus stricts était l’interdiction d’utiliser le vocabulaire d’origine chinoise. Sous la forme classique du tanka, ou « poème court » (cinq vers de 5, 7, 5, 7, 7 syllabes), la poésie était considérée comme l’expression par excellence de l’âme japonaise, où les influences culturelles en provenance du continent ne trouvaient que de lointains échos. Il est d’autant plus intéressant de constater que, dès les grands recueils de l’époque de Heian, un certain nombre de poèmes étaient consacrés à la louange ou à l’explication des enseignements du Buddha. Appelés shakkyō-ka, ou « poèmes sur la doctrine de Śākyamuni », ils furent réunis dans les sections portant ce nom dans les recueils poétiques classiques avant de constituer des ouvrages indépendants, parmi lesquels on peut citer le Hosshin waka-shū, ou « Recueil de poèmes japonais sur la production de la pensée d’Éveil », publié en 1012 par la princesse impériale Senshi. On vit ensuite apparaître la vogue des recueils consacrés à l’expression poétique de l’enseignement des grands sūtra, parmi lesquels le Sūtra du Lotus occupait la première place, ainsi la « Centurie du Lotus » (Hokke hyaku- shū) de Ji.en (mort en 1225), où les poèmes sont précédés d’une citation du sūtra dont ils sont inspirés. Il est sûr que les shakkyō-ka étaient, en règle générale (il y a de brillantes exceptions), considérés comme littérairement inférieurs à la poésie pure, mais leur rôle a été très grand dans l’acclimatation du bouddhisme à la mentalité nationale (et vice versa) en ce qu’ils ont su donner une expression indigène, souvent remarquable dans la richesse des images et la subtilité des concepts, à une religion étrangère et d’accès difficile. Ils constituèrent, dans le cas du Sūtra du Lotus, une véritable paraphrase où les enseignements les plus difficiles se voyaient explicités sous une forme familière et compréhensible. Leur importance dans l’histoire de la langue a été double : en chargeant le vocabulaire japonais traditionnel de tout un contenu sémantique inspiré du bouddhisme, ils l’ont enrichi en profondeur et en nuances ; par ailleurs, en enfreignant l’un des interdits du waka et en tolérant l’emploi d’un nombre croissant de termes d’origine chinoise dans la poésie japonaise pure, ils ont préparé les tendances littéraires modernes qui admettent le vocabulaire mixte.
Rappelons enfin que l’apparition, à l’époque de Kamakura, de l’idée selon laquelle les waka étaient identiques aux dhāraṇī sanscrites, et qu’ils avaient donc la même efficacité surnaturelle, donna aux bouddhistes japonais le sentiment que leur langue avait le même caractère sacré que le sanscrit et le chinois, opinion qui fut reprise et accentuée au détriment du bouddhisme par les tenants du nationalisme d’Edo.
La langue
Il n’est donc pas étonnant que la langue japonaise, jusque dans sa forme moderne, ait gardé une profonde empreinte bouddhique facilement identifiable, même si elle n’est pas ressentie comme telle par les locuteurs ordinaires. Cette empreinte est avant tout manifeste dans le vocabulaire, tout d’abord dans les mots d’origine chinoise : les termes sino-japonais (kango) peuvent, en règle générale, être lus dans la prononciation dite go.on ou dans celle qui est dite kan.on, la première, plus ancienne, subsistant surtout dans les mots d’origine bouddhique, la seconde, plus moderne et plus répandue, concernant le vocabulaire général, littéraire et confucianiste, ce qui permet de distinguer de façon relativement facile leur provenance. On s’aperçoit ainsi qu’un grand nombre de termes abstraits courants, prononcés en go.on, proviennent directement des écrits bouddhiques et ont été propagés par les moyens évoqués ci-dessus ; citons par exemple les mots sekai, « monde » (sanscrit loka-dhātu), ningen, « être humain » (sanscrit manuṣya), bonnō « passion » (sanscrit kleśa), etc. Un suffixe aussi couramment employé dans le vocabulaire moderne que sei (« nature »), équivalent des suffixes abstractifs européens -té, -ty, ne fait que poursuivre son antique carrière où il traduisait le suffixe sanscrit de même origine -tā.
Des concepts fondamentaux du bouddhisme sont également véhiculés dans la langue quotidienne par des termes aussi répandus que en (« lien », « affinité karmique »), qui maintient ainsi l’un des plus vieux enseignements du bouddhisme, la théorie de la causalité. De même, une pléiade de mots tant japonais que sino-japonais exprime sous diverses nuances l’idée typiquement bouddhiste de l’impermanence (mujō) de tout ce qui existe. Il a d’ailleurs été remarqué à plusieurs reprises que cette idée, inlassablement reprise et sous-jacente dans la poésie, la prose et l’art, a subi au Japon une inversion de valeur révélatrice et que, de négative qu’elle était en Inde, elle est devenue un sentiment pathétique de la beauté et du prix de ce qui est éphémère.
On n’en finirait pas de citer tous les proverbes et dictons japonais qui sont directement inspirés du bouddhisme ; encore très usités actuellement, ils témoignent de la pérennité dans la sagesse populaire d’une religion que l’on pourrait hâtivement juger en voie de disparition.
Remarquons enfin la curieuse présence du vocabulaire bouddhique dans le domaine sexuel, où les organes masculins et féminins sont désignés par une grande variété de noms de divinités, notamment Mara, dieu de la mort, pour le sexe masculin et Kannon (Avalokiteśvara) pour le sexe féminin, preuve supplémentaire de l’omniprésence de la religion de Śākyamuni à tous les niveaux de la langue, et donc de la vie, japonaise.
— Jean-Noël ROBERT
SOURCES
Jean-Noël ROBERT, « BOUDDHISME (Les grandes traditions) – Bouddhisme japonais », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 novembre 2021. URL : h ttps://www.universalis.fr/encyclopedie/bouddhisme-les-grandes-traditions-bouddhisme-japonais/
BIBLIOGRAPHIE
Pour la plupart des noms propres et des termes japonais, se reporter aux fascicules A à M, les seuls parus à ce jour, du Dictionnaire historique du Japon, publié par la Maison franco-japonaise de Tōkyō. A.-M. BOUCHY, Tokuhon, ascète du nenbutsu, Centre d’études sur les religions et traditions populaires du Japon, E.P.H.E., Ve section, 1983
P. FISCHER, Studien zur Entwicklungsgeschichte des Mappō-Gedanken und zum Mappō- tōmyō-ki, Harrassowitz, Wiesbaden, 1975
P. FISCHER dir., Buddhismus und Nationalismus in modernen Japan, Bochum, 1979 B. FRANK, Histoires qui sont maintenant du passé, Gallimard, Paris, rééd. 1987
R. FUJISHIMA, Les Douze Sectes bouddhiques du Japon, rééd. Trismégiste, Paris, 1982